Un hommage à Mahmoud Darwich a été rendu par le poète Paul Vincent (président des Amis de la Comté Républicaine, Vic-le-Comte, 63) dans le cadre des réunions des "Amis du Monde Diplomatique" le samedi 1er septembre 2018, au Café lecture « Les Augustes » à Clermont-Ferrand, en partenariat avec l’AFPS 63.
Plus de 25 personnes ont assisté à la conférence et aux projections vidéo de Paul Vincent, qui a rappelé que Mahmoud Darwich, né le 13 mars 1941 à Al-Birwah (Palestine sous mandat britannique) et mort le 9 août 2008 à Houston (Texas, États-Unis), est une des figures de proue de la poésie palestinienne. Président de l’Union des écrivains palestiniens, il publie plus de vingt volumes de poésie, sept livres en prose et est rédacteur de plusieurs publications, comme Al-jadid (Le nouveau), Al-fajr (L’aube), Shu’un filistiniyya (Affaires palestiniennes) et Al-Karmel. Il est reconnu internationalement pour sa poésie qui se concentre sur sa nostalgie de la patrie perdue.
Mahmoud Darwich est aussi une voix de la résistance palestinienne, qui a promu la culture de vie de son peuple. Chassé de son village avec sa famille par la Nakba, il a passé deux ans comme réfugié au Liban. Il fait ses études à Haifa, se fait remarquer très jeune par la force de ses poèmes, ce qui le conduira en prison. Il adhère au PC israélien. Après la guerre de 1967, il est assigné à résidence et part en 1970 à Moscou, puis en Egypte, au Liban (1981), en Egypte, puis à Tunis avec Yasser Arafat. Il participe à la CE de l’OLP, tout en gardant sa liberté de parole. Il a écrit le discours de Yasser Arafat à l’ONU en 1974 (avec la formule du « rameau de la paix »), puis la déclaration d’indépendance de la Palestine en 1988 (détournant avec ironie les termes de la déclaration d’indépendance d’Israël).
Malgré quelques difficultés pour obtenir un visa, il parvient à vivre 10 ans à Paris durant les années 80, où il écrira beaucoup. Durant l’intifada de 1988 où les soldats israéliens brisent les membres des enfants palestiniens, il écrit à leur adresse le poème « Vous qui passez parmi les paroles passagères, il est temps que vous partiez » (ces vers seront repris sur les murs en Palestine, et dénoncés par le premier ministre israélien Yitzhak Shamir). Il prend ses distances avec les accords d’Oslo. Autorisé à rentrer en Cisjordanie en 1996.
Durant ses années d’exil il fait connaitre la situation du peuple palestinien. Il rassemblait des milliers de personnes qui venaient écouter sa poésie dans des stades, jusqu’au Maroc. Il a aussi expliqué comment la poésie peut aider les prisonniers, en « régénérant leur âme ». Ainsi que le devoir de vivre dans son pays jusqu’à son indépendance, lui qui dénonçait sa privation d’identité, réduite à celle d’ « arabe israélien » (poème « Inscris… je suis arabe »).
Il ne voulait pas se limiter au rôle de poète engagé. Invité en octobre 2000 à Paris pour présenter son livre (« Le lit de l’étrangère »), sur les poèmes d’amour (voir aussi « Un autre jour viendra, féminin, … » dans « Ne t’excuse pas » publié en français en 2006), il est rattrapé par la seconde intifada. Très ouvert à la culture ancienne et contemporaine, de tous les pays, sa poésie sur les migrants reste d’une actualité brûlante aujourd’hui. « C’est une illusion de penser que le poète peut bouleverser le monde, mais c’est une belle illusion, une illusion nécessaire ».
La discussion avec la salle a aussi porté sur la situation actuelle en Palestine face à la poursuite de l’apartheid israélien et de l’épuration ethnique fortement encouragés par les nombreuses manœuvres délétères et provocatrices de l’administration Trump. Les enjeux du respect des droits humains, de la fin de l’épuration ethnique et de l’application du droit au retour des millions de réfugiés sont fondamentaux pour la recherche d’une solution juste, que ce soit avec un ou deux Etats, sur le territoire de la Palestine historique. C’est notamment ce que souligne le mouvement BDS qui fut lancé peu de temps avant le décès de Mahmoud Darwich.
La soirée s’est terminée avec la magnifique vidéo du trio Joubran, « L’art d’aimer » (Shajan) avec la voix incomparable de Mahmoud Darwich.